TÉMOIGNAGE D’ANICK SICART
Bien sûr, nous sommes bien placées pour témoigner du retour de nos maris, nos fiancés à l’époque. Je vais vous donner un aper- çu de ce qui s’est passé pour moi et je pense que beaucoup d’entre vous s’y reconnaîtront.
Jacques est parti, à 20 ans, directement en Algé- rie en septembre 1959 à Batna dans les Aurès. Il a eu une courte permission de 10 jours en 1960 et il est rentré en novembre 1961. Pendant la durée de son « service militaire » je lui ai écrit tous les jours. Nous nous connaissions depuis toujours puisque nous habitions le même quartier, fréquentions le même groupe scolaire. Il était apprécié par ses co- pains, c’était un gars gentil, sérieux.
Le retour a été très difficile, il s’était endurci. Il était toujours sur le qui-vive.
À Batna, il avait la charge du courrier qu’il allait chercher sous escorte à Philippeville. Chaque voyage était dangereux. De ces deux années passées loin de nous, il ne parlait pas, ni à la famille, ni aux amis.
Très vite, nous nous sommes mariés et un an après son retour, notre petite Nathalie, qu’il adorait, est née. Ceci est mon histoire personnelle. La vôtre est peut-être différente.
Mais ce que nous avons sans doute en commun,
c’est la difficulté que nos maris ont eue de reprendre le cours de leur vie. Retrouver la famille, retrouver leur travail. Ils ont souvent été sombres, abattus.
À l’époque on ne parlait pas de dépression Ils n’avaient pas reçu de soutien psychologique à leur retour, même si certains de leurs copains avaient trouvé la mort près d’eux. Nous les avons soignés, entourés, protégés. Jacques a eu la chance qu’un Comité FNACA soit créé en 1963 à Boulogne Billancourt. A partir de là, il a participé aux activités, rencontré régulièrement des amis et pu, avec eux, échanger sur ce que chacun a vécu en Algérie. C’était le soutien psychologique de l’époque…»